Les enjeux écologiques et sociaux réfèrent à l’ensemble des bouleversements environnementaux (réchauffement climatique, pollutions, changement d’usage des sols, perturbation des cycles biogéochimiques, extinction de la biodiversité, etc.) déclenchés par certaines activités humaines et portant atteinte au milieu de vie de l'humanité. Celle-ci doit désormais y faire face. Elle doit en effet imaginer une façon de faire société de manière sereine à quelque 8 milliards de personnes, de manière sereine, à la surface d’une planète de taille finie en symbiose avec son environnement. Cela passe par la réduction drastique des nombreuses inégalités qui perdurent entre les êtres humains. Ces enjeux transcendent ainsi la totalité des disciplines depuis les sciences naturelles qui imposent leur constat jusqu’aux sciences humaines qui apportent un éclairage indispensable sur les transformations à mener.
L’enseignement des enjeux écologiques et sociaux de façon systémique et de manière systématique, quelles que soient les disciplines dans le supérieur, est devenu une évidence dès 2019 notamment avec des appels étudiants (Pour un réveil écologique1 en 2018) ou un rapport2 du think tank The Shift Project en 2019. Ce dernier pointait le manque criant d’enseignements « obligatoires » sur le réchauffement climatique dans les différents cursus du supérieur. Le secondaire a vu arriver un enseignement scientifique transversal, en première3 en 2019 puis en terminale4 en 2020. L’accent est surtout mis sur le réchauffement climatique et sur l’énergie dans la société avec un petit encart sur la biodiversité, et d’un point de vue principalement qualitatif. L’enseignement supérieur s’est emparé du problème, d’abord de manière sporadique, avec quelques enseignements obligatoires épars5. Puis le rapport6 d’un groupe de travail ministériel sur le sujet est sorti, enjoignant les établissements à se doter de tels enseignements. Enfin, en juillet 2023, la parution d’une note de cadrage7 du MESR (ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche) imposait les enseignements TEDS (transition écologique pour un développement soutenable) à court terme dans le supérieur.
L’objectif est plus étendu que le programme de l’enseignement scientifique du lycée, avec l’ambition de fournir une introduction à l’ensemble des problématiques écologiques de manière systémique, mais sans contrainte de contenu. Ce dernier point laisse la liberté pédagogique aux enseignantes et enseignants désireux de s’approprier ces thématiques, tout en assurant que toutes les citoyennes et tous les citoyens ainsi formés le seront de manière suffisamment diverse : les enjeux écologiques et sociaux sont effectivement vastes, complexes, transdisciplinaires et pluridisciplinaires, un programme unique et universel ne saurait leur correspondre.
Le partage des ressources et méthodes pédagogiques, des expériences menées sur cette thématique nouvelle ouvre dès lors le champ à l’outil de prédilection de la méthode scientifique : la confrontation avec les pairs par l’intermédiaire de publications. Réfléchir de manière pluridisciplinaire à de nouveaux contenus, expérimenter de nouvelles pratiques pédagogiques, les améliorer avec les retours des étudiantes et étudiants, les partager avec des collègues, les adapter en lien avec les découvertes constantes, requiert une méthodologie scientifique. Ces activités peuvent être considérées comme de la recherche et devraient être évaluées comme telles. Pourtant les enseignantes et enseignants du supérieur sont peu amenés à échanger sur leurs pratiques pédagogiques, alors qu’elles et ils le font naturellement dans leurs pratiques de recherche. La publication dans une revue à comité de lecture est donc un moyen de valoriser leurs activités d'enseignement.
Il en existe quelques-unes dans le champ de la pédagogie universitaire. Ces journaux sont souvent disciplinaires, internationaux, liés aux didactiques des disciplines, généralement peu axés sur des expérimentations pratiques ou des partages de ressources pédagogiques8.
Compte tenu de l’ensemble de ces aspects, nous avons souhaité créer une revue dédiée aux praticiennes et praticiens de l’enseignement des enjeux socio-écologiques, avec relecture par les pairs et en accès ouvert. Ce nouveau journal — JEESES, Journal Enseigner les Enjeux Socio-Écologiques dans le Supérieur — a pour objectif de permettre un espace d’échanges et de discussions tout en valorisant les pratiques, la création de supports et l’investissement pédagogiques. Il se veut le reflet d’expériences pédagogiques au sein des établissements d’enseignement supérieur ; ceux-ci pourraient par exemple avoir pour mission d’expérimenter des transitions écologiques et sociales souhaitées et souhaitables, tout en tissant des liens nécessaires avec les collectivités locales et l’enseignement secondaire. Il a aussi vocation à décloisonner les disciplines, tout comme les enjeux écologiques et sociaux par essence, ainsi que les établissements et les niveaux.
Correspondant par ailleurs au modèle diamant des publications scientifiques, ce journal aspire à répondre au double vœu d’être accessible gratuitement à la fois pour les autrices et auteurs comme pour les lectrices et lecteurs, en « accès ouvert ». Le financement en sera assuré par l’intermédiaire de l’association EESES (Enseigner les Enjeux Socio-Écologiques dans le Supérieur), éditrice du journal.
Les enseignantes et enseignants dont la richesse et l’inventivité des pratiques quant à l’enseignement de ces enjeux commencent à germer9 pourront trouver dans le JEESES un espace d’expression, de partage et de valorisation de leur travail.